L’endroit du décor

Posted on 18 octobre 2009 par

5


Samedi 17 octobre, en fin d’après-midi, nous étions en retard de 30 minutes, escamotant involontairement  le début de la visite de La Bellevilloise par Anne Savelli. Nous l’attendions, pourtant. Pour le lieu et pour Anne.

La Bellevilloise (le lieu) nous ramenait  vers, – non pas tant l’histoire sociale telle qu’elle ne s’instruit plus – mais  le catalogue singulier des Éditions Créaphis.

En feuilletant les pages de ce catalogue (un site Internet est annoncé pour 2009, mais Créaphis sait donner au temps une mesure particulière), je m’arrête sur le titre suivant, en forme de clin d’œil « Mémoires du travail à Paris – Faubourg des métallos, Austerlitz-Salpêtriere, Renault-Billancourt » (ISBN : 978-2-35428-014-7), ainsi décrit par Pierre Gaudin, l’éditeur :

Territoire de toutes les mobilités, la métropole parisienne remodèle sans cesse ses contours et sa physionomie, son peuplement et ses activités, ses solidarités et ses tensions, ses identités et ses images collectives.
Cet ouvrage analyse les résultats d’une enquête menée auprès des dizaines d’habitants et d’actifs, de trois sites parisiens : le faubourg des métallos, le secteur Austerlitz-La Pitié Salpêtrière et les alentours de l’ancienne usine Renault-Billancourt.
Entre fierté, satisfaction, humour, regrets, désarroi, colère ou révolte, la variété des vocabulaires et des postures atteste la dimension affective des remémorations. Les auteurs évaluent la part du travail – à l’usine, au bureau ou en magasin- dans la construction croisée des mémoires et de l’histoire de la grande métropole.

1-Creaphis

En retard donc alors que le groupe se resserre autour de  l’auteur venue spécialement les accueillir, les recevoir au sein d’un espace de travail  et d’une œuvre  en gestation.

2-Bellevilloise

Sans cesse, pendant cette visite-happening, nous (ce groupe pour l’occasion constitué) voyagerons du Texte  (un choix de textes magnifiques, proposé par AS et lus in situ, Cauquelin, Fellini, Sarraute, …) à la vie de La Bellevilloise.

3-Bellevilloise
Les talons Des Filles de joie en répétition claquent – et un, et deux, et un deux trois, allez les filles, plus haut – Les Dj de Radio Nova aux platines nous regardent étonnés, – impossible de lire quoi que soit ici – Les régisseurs raclent chaises et accessoires sur le sol selon les besoins du moment…

5-Bellevilloise

Avec le temps, La Bellevilloise est devenue un endroit d(e) ou (u) décors car tout ici repose sur le travail de la scène,  de la mise en espace et de l’incongruité de certains éléments posés là pour occuper le sol.

6-Bellivilloise

Là, les arbres, oliviers en pot ou palmier  sont confrontés au texte choisi par Anne, celui de Nathalie Sarraute alors que les chaises, plus loin, interpellent le texte de Fellini …

7-Bellevilloise

Et le bureau de travail de l’auteur (la vigie en mezzanine, au dessus du Loft, lumineux, aérien) est surtout fermé, empli de chaises, justement, entièrement. Sans ordinateur, ni imprimante. Dans le coin, ce simple bureau bleu, élément de décor sur lequel se poserait donc un écrivain sans matériel connecté, muni d’un simple stylo et d’un cahier. Contrastant avec l’équipement des gens du spectacle.

8-Bellivilloise

En amont ou en aval de la fiction, La Bellevilloise serait-elle devenue, au fil du temps, une ample malle aux accessoires, un théâtre tourné vers la rue ?

9-Bellivilloise

En nous quittant, Anne précisera qu’elle aime regarder l’envers des lieux, le dehors, les gens, la vie en somme, là où elle se fait aussi, surtout.

10-bellevilloise

L’auteur amorce à présent un voyage dans la structure d’un grand paquebot et décidera seule de l’endroit d’où l’écriture jaillira ou non, détournant librement l’assignation à résidence…

« Au rez-de-chaussée, la partie gauche de l’immeuble est occupée par un vaste café où se tiendront bien des fêtes et où souvent le samedi soir ou le dimanche après-midi, des clients poussent la romance. Un grand vitrail en occupe la face arrière représentant une femme assise au pied d’un arbre, avec son fils, devant un vaste panorama où le soleil se lèvre, entouré du mot « Coopération ». (…) Le reste de la façade sur la rue est occupé par une grande boutique d’épiceries, vins, boucherie, charcuterie, articles de ménage … Au premier étage, une très grande « salle des fêtes » (salle Jean Jaurès) occupe toute la surface de la construction… C’est à la salle Jean-Jaurès que se tiendront les grandes réunions, comme la première journée du Congrès national du Parti socialiste le 6 octobre 1918…. »
La Bellevilloise – Éditions Créaphis